La crise du coronavirus, accélératrice de tendances
L'état d'urgence déclenché en Suisse par la pandémie de Covid-19 le 16 mars 2020 a obligé les entreprises à se réinventer en l'espace de quelques jours. Travail à distance, digitalisation, développement de nouveaux produits et de nouvelles manières d'atteindre la clientèle, prospection de nouveaux marchés, réorganisation des chaînes d'approvisionnement, restructurations: une enquête de l'Observatoire CCIF de l'économie auprès d'une soixantaine d'entreprises issues des principaux secteurs de l'économie fribourgeoises, montrait en mai 2020 que 84% d'entre elles ont dû modifier leur manière de travailler.
Pour une bonne part des entreprises, ces changements s'inscriront dans la durée. L'enquête conjoncturelle d'automne de la CCIF, réalisée en septembre 2020 auprès de plus de 300 membres, montrait par exemple que le télétravail allait être maintenu dans la majorité des entreprises qui y avaient eu recours pendant la crise (77% disaient vouloir le maintenir, contre 23% qui pensaient l'abandonner totalement). Il le sera toutefois dans des proportions en général plus limitées qu'au début de la pandémie ou entre janvier et juin 2021, période où la Confédération l'a rendu obligatoire pour toutes les activités qui pouvaient être exercées à domicile.
Des aides ciblées pour préserver la compétitivité des entreprises
La Confédération a réagi très rapidement pour contrer deux dangers majeurs menaçant les entreprises: d'un côté, un étranglement faute de liquidités, de l'autre, de possibles licenciements massifs. Sur le front de l'emploi, le droit au chômage partiel (RHT) a été massivement étendu et simplifié tandis que les allocations pour pertes de gain (APG) ont également été ouvertes aux indépendants. Sur le plan financier, des crédits-relais express – les crédits Covid-19 – ont été octroyés sur une base standardisée, via les établissements bancaires existants.
Résultat: le chômage partiel a explosé au cours de la première vague de coronavirus, touchant un pic de près de 42'000 employés dans le canton en avril 2021 (1,08 million au niveau suisse). La deuxième vague, dès l'automne, a ensuite été moins forte en matière de réduction de l'horaire de travail (RHT), tout en concernant toujours un total mensuel de 10'000 à 12'000 Fribourgeoises et Fribourgeois jusqu'en mars 2021. Au début juillet dernier, plus de 12 millions d'heures de RHT avaient été décomptées dans le canton depuis l'arrivée de la pandémie.
Le chômage partiel a permis de préserver un maximum d'emplois, sans toutefois pouvoir totalement juguler la croissance du chômage, qui est passée de 2,5% en février 2020 au niveau cantonal, juste avant la crise, à un pic de 3,6% en février dernier, avant de clairement refluer à nouveau. Au final, grâce aux RHT, les entreprises ont pu préserver leur main-d'œuvre qualifiée, ce qui leur permet d'aborder la reprise avec leurs pleines capacités opérationnelles.
Côté crédits Covid-19, qui étaient disponibles jusqu'à la fin juillet 2020, les entreprises ont largement fait appel à cet instrument dans le canton de Fribourg, qui a décompté plus de 4'800 emprunts (pour un montant total de 557 millions de francs) sur les 139'000 octroyés au niveau fédéral (17,1 milliards de francs). Au sein de l'Observatoire CCIF de l'économie, environ 40% des membres ont contracté un crédit Covid-19 entièrement cautionné, lequel pouvait atteindre 10% du chiffre d'affaires, jusqu'à un maximum de 500'000 francs. Ces fonds ont contribué à restaurer la confiance financière durant le creux de la récession.
Sur le plan fribourgeois, le canton a mis sur pied un programme de relance doté de 63,3 millions de francs, comprenant en particulier des soutiens à la recherche et au développement (R&D) ainsi qu'à la digitalisation. Ces deux mesures, pour lesquelles la CCIF s'est particulièrement engagée, étaient dotées d'un total de 6,4 millions de francs. D'autres aides importantes ont bénéficié à la formation professionnelle (apprentis), au commerce local (Kariyon), au programme bâtiment ainsi qu'aux restaurants, bars et discothèques. Ces trois dernières activités, comme l'hôtellerie, l'événementiel, les voyagistes, le sport et la culture ont fait l'objet d'aides spécifiques destinées aux cas de rigueur. Si la plus grande part a pu obtenir des soutiens, tous n'y ont pas eu droit, et la crise les a frappés tout particulièrement, les laissant tous dans une situation très fragile. C'est là que les dégâts économiques ont été les plus importants.
En dehors des sociétés des secteurs frappés par de longues interdictions d'exercer, de voyager et de se réunir, il apparaît que les entreprises sont généralement satisfaites des soutiens apportés par la Confédération, les cantons et parfois les communes. Début décembre 2020, une claire majorité des membres de l'Observatoire CCIF de l'économie était en tout cas de cet avis.
D'une récession vertigineuse aux pénuries liées à la reprise
L'année 2020 restera dans les annales comme celle de la plus profonde récession subie par la Suisse depuis le choc pétrolier des années 1970. Le PIB helvétique a décroché de 2,6% sur l'ensemble de l'exercice, avec un plongeon de -7,4% entre avril et juin 2020, comparé au même trimestre de 2019. Pour les entreprises, le gel d'une partie de l'économie et l'absence totale de perspectives qui prévalait au cours des six premiers mois de l'année dernière les a conduites dans un premier temps à geler les investissements. La seconde partie de l'année 2020 a toutefois démontré qu'il était possible de poursuivre les activités, de manière certes moins productive en raison des contraintes sanitaires, mais avec une relative stabilité opérationnelle.
Résultat, la campagne de vaccination permettant à nouveau d'envisager un retour à une certaine normalité, le rebond de l'économie a conduit les entreprises à débloquer leurs investissements. Cela se constate très clairement au sein de l'Observatoire CCIF de l'économie, où quatre entreprises sur cinq affirmaient en juin 2021 avoir investi cette année (ou être sûres de le faire), alors qu'elles n'étaient que 46% dans ce cas en février. Une situation diamétralement opposée à celle du début juin 2020 lorsqu'une entreprise sur deux affirmait avoir reporté ses investissements.
Plus généralement, la marche des affaires s'est améliorée pour une claire majorité des entreprises fribourgeoises, entre le début de l'année 2021 et la fin juin. A cette date, 58% des entreprises membres de l'Observatoire CCIF de l'économie faisaient état d'une tendance positive, contre seulement 5% une détérioration et 37% une situation stable.
Le principal nouveau défi réside désormais dans les problèmes d'approvisionnement. Les matières premières (métaux et bois en particulier) manquent à l'appel et leur prix s'envole. Mais les entreprises peinent également à trouver toutes sortes de produits, cela allant des composants électroniques au matériel informatique, en passant par tous les objets et consommables en plastique. Ces manques génèrent des retards et pèsent sur la rentabilité des sociétés. D'une absence d'activité et de perspectives en avril 2020, beaucoup d'entreprises faisaient face, au début de l'été, à une demande difficilement gérable faute de matériel. Et parfois de main-d'œuvre qualifiée. Le coronavirus, qui n'est par ailleurs encore maîtrisé, continue à déployer des conséquences indirectes surprenantes, qui pourraient finalement conduire à une hausse des RHT résultant… d'une surchauffe de l'activité économique mondiale!